Au musée consacré à la bataille de 52 av. J.-C., où Vercingétorix stoppa un instant l’avancée des Romains, une exposition sur la relation ambivalente des transalpins avec la figure de César

Visiteurs du Musée de la Bataille de Gergovie près de Clermont-Ferrand - Henri Derus/Musée de la Bataille de Gergovie
Visiteurs du Musée de la Bataille de Gergovie près de Clermont-Ferrand – Henri Derus/Musée de la Bataille de Gergovie

Traduction automatique de l’article « A Gergovia la Francia si guarda allo specchio » paru dans le quotidien italien Avvenire.

Au XIXe siècle, un auteur interprète comme nul autre la volonté de la France de se projeter dans l’avenir : Jules Verne, l’écrivain transalpin le plus traduit de tous les temps. Mais on oublie souvent que, dans le même temps, la figure d’un autre « Julius » régnait plutôt dans l’imaginaire français tourné vers le passé : un géant de l’époque romaine, ou Caius Julius Caesar. Qu’il s’agisse d’exalter le destin de Napoléon Bonaparte par analogie ou de s’intéresser aux origines du destin français, comme l’a fait l’empereur Napoléon III, Cesare a souvent été un modèle de comparaison et d’inspiration. A tel point que même Victor Hugo a intitulé Veni, vidi, vixi un poème de 1856, paraphrasant l’emblématique et célèbre expression militaire de César Veni, vidi, vici.Pour retracer l’origine de cet engouement paradoxal pour un étranger qui a finalement subjugué les quartiers gaulois, mieux vaut se rendre au cœur du Massif Central. Plus précisément, sur l’acrocore de Gergovie, qui domine aujourd’hui la capitale de Clermont-Ferrand : précisément le lieu de naissance de ce Blaise Pascal à qui le pape François vient de dédier, 400 ans après sa naissance, la lettre apostolique Sublimitas et miseria hominis . Des lieux qui en disent long sur le sentiment d’appartenance culturelle des Français envers la latinité. C’est à Gergovie qu’au printemps 52 av. J.-C., les Gaulois sous les ordres de Vercingétorix (littéralement, « le grand roi des guerriers ») réussissent une entreprise qui semblait impossible. Forcer le grand César à fuir. Le faire même en renversant un siège, peut-être la spécialité la plus redoutée à laquelle était due la renommée militaire du futur seigneur suprême de Rome. Après avoir perdu environ 700 légionnaires et 46 centurions à Gergovie, selon ce qui est dit dans le livre VII du De bello gallico,Cesare se rattrapera définitivement la même année à Alésia, à l’automne, grâce à un siège meurtrier. Dans quelques mois, gloire et capitulation pour les Gaulois. Quant à Gergovie, elle fut ensuite abandonnée vers 15 après JC, laissant place à la nouvelle capitale gallo-romaine Augustonemetum, littéralement le lieu sacré d’Auguste, ou le futur Clermont. Sur l’acrocore, l’une des zones archéologiques les plus intéressantes de France, se dresse aujourd’hui un monument commémoratif de 26 mètres de haut, érigé en 1900, précisément à la fin d’un siècle où les Français, comme d’autres peuples européens, s’essayèrent pas mal à la recherche des origines nationales. Sous les trois imposantes colonnes terminées par un casque celtique, une inscription proéminente explique : « Gergovia. En ce lieu, le chef arvernien, Vercingétorix, vainquit l’envahisseur César». Cela semblerait un concentré de chauvinisme, sauf que l’inscription n’est pas en français, mais en latin. c’est-à-dire la langue duDu beau gaulois.Même après tant de siècles, donc, toujours la même langue des deux côtés. A ce propos, jusqu’au 17 septembre, au Musée Archéologique de la Bataille de Gergovie, il est possible de savourer la même ambivalence dans une exposition sobrement intitulée « César à Gergovie ». Entre reconstitutions du visage du chef, citations, films consacrés aux techniques militaires, pièces archéologiques également issues des camps romains, c’est un nouvel hommage à celui qui a définitivement détourné le destin français, entraînant les quartiers gaulois hors de l’univers celtique pour s’immerger eux en latinité. Un envahisseur tout sauf tendre, d’un point de vue militaire. Mais qui au niveau politique est aussi un grand séducteur, entre accords et compromis. Au début, après tout, César franchit les Alpes répondant également à une demande des Éduens, alliés de Rome stationnés entre la Loire et la Saône, en conflit avec d’autres peuples gaulois et déjà vaincus notamment par les Suèves. Par la suite, le charisme de Vercingétorix réussit à amener les Éduens du côté des « insurgés », ce qui influença grandement l’issue de la bataille de Gergovie. Mais il faut noter que le chef gaulois lui-même, noble envoyé dans sa jeunesse pour se former à Rome, avait une profonde admiration pour César.

Une reconstitution de la bataille de 52 av. J.-C. - Musée de la Bataille de Gergovie
Une reconstitution de la bataille de 52 av. J.-C. – Musée de la Bataille de Gergovie

Doté de grandes fenêtres, le musée est en symbiose avec le parc archéologique environnant et avec les mêmes escarpements panoramiques que Cesare n’a pas pu conquérir en ce mois de juin malheureux. D’en haut, il est également possible d’admirer les champs où ont été retrouvés les sillons périphériques des deux camps romains. Tout autour brillent les vallées entourées par l’impressionnante chaîne verdoyante des quelque 80 volcans éteints d’Auvergne, une région qui aujourd’hui encore, avec son nom, transmet la mémoire des Arvernes. Entouré de ce qui reste des contreforts antiques, le site, en termes de redécouverte archéologique, est le résultat à la fois de la fierté pour l’entreprise de Vercingétorix et de l’admiration pour « l’envahisseur ». Dans la France du XIXe siècle, où le De bello gallicodépeuplée entre historiens et militaires, l’admiration pour César a conquis le sommet suprême du pays. Comme le rappelle l’exposition, Louis-Napoléon Bonaparte, au pouvoir entre 1848 et 1870, devenant notamment à partir de 1852 le dernier souverain de l’histoire de France avec le titre impérial de Napoléon III, « était passionné par la vie du général romain et la conduite des ses différentes campagnes. Non seulement cela : « En 1858, l’empereur créa la Commission de topographie des Gaules (Ctg), dont l’objectif était notamment de documenter et de cartographier les sites de bataille de la Guerre des Gaules, pour illustrer son ouvrage en préparation dédié à Jules César», publié en 1866. La même année, à y regarder de plus près, où l’intervention diplomatique de Paris contribua à la fin de la Troisième Guerre d’Indépendance en Italie, avec l’annexion italienne définitive de Lombardie-Vénétie, cédée par les Autrichiens en premier lieu, formellement, aux Français. Sur le plan personnel, à la même époque, Louis-Napoléon Bonaparte ne dédaigne pas l’épithète de « nouveau César ». Pour le meilleur ou pour le pire, derrière la perpétuelle « attention » française au sort du Bel Paese, resurgissent souvent les sédimentations historiques de suggestions qui, dans la glorieuse figure de Jules César, ont trouvé un pivot inébranlable. Se rendre à Gergovie, c’est donc savourer les premières étincelles de cet enchevêtrement de rivalité et d’admiration entre les deux versants des Alpes transmis jusqu’à nos jours. Le même symbolisé par le jeu des regards dans une célèbre toile de 1899, souvent reproduite dans les manuels scolaires français et conservée justement en Auvergne, mais au Puy-en-Velay :Vercingétorix devant César, par Lionel Royer. En termes de culture populaire, ce n’est donc pas par hasard le crayon d’un brillant illustrateur, fils d’Italiens émigrés en France, Albert Uderzo (1927-2020), qui a traduit tous ces paradoxes intrigants dans la bande dessinée best-seller de l’après-guerre française. Résister coûte que coûte à un rouleau compresseur « champion » de la guerre nommé Jules César : telle est l’obsession d’Astérix, Obélix et compagnons, récompensé par des centaines de millions d’albums vendus, souvent au vu et au su des foyers français. Sans oublier que le nom de scène César a aussi porté tant de chance à un autre artiste français de parents italiens, le sculpteur César Baldaccini (1921-1998). Au-delà des Alpes, bref, on pense à Cesare et une haine et un amour éternels viennent immédiatement à l’esprit sur lequel il reste encore beaucoup à fouiller. Comme au glorieux et venteux plateau des paradoxes parmi les beaux volcans éteints d’Auvergne.

Daniele Zappalà, le vendredi 14 juillet 2023

Journal Avvenire

https://www.avvenire.it/agora/pagine/a-gergovia-la-francia-si-guarda-allo-specchio